II - Les ligands peptidiques radioactifs et fluorescents


A - Le marquage radioactif des peptides et des protéines :

Les deux isotopes radioactifs utilisés pour la fabrication de ligands radiomarqués sont l' iode 125 (125I) et le tritium (3H).

A.1 - Le marquage radioactif à l’iode 125 :
C'est la méthode la plus utilisée afin d'obtenir un radioligand.

Avantages des ligands iodés :
  • L’iode 125 (Na125I), est une molécule peu coûteuse, assez peu ionisante, mais suffisamment énergétique pour que le rayonnement émis soit mesurable.
  • Les méthodes d’incorporation de l’iode radioactif font appel à une chimie simple, accessible à des biochimistes.
  • La période de l’125I (60 jours) est 73 fois plus courte que celle du 3H (12,3 ans). Tous les 60 jours, la radioactivité spécifique des déchets iodés sera diminuée par deux. Très rapidement, ces déchets ne seront plus radioactifs.
  • Le rendement de conversion électro-chimique sur film photo de l’125I est de 3-10 % (selon le type de film) alors que celui du tritium est inférieur à 1%. L’image sera obtenue 200-500 fois plus vite avec un ligand iodé qu’avec l’3H.


Deux voies majeures d’incorporation du radioélément 125I sont utilisées :
  • L’incorporation de l’125I sur le peptide par une substitution électrophile directe.
  • La fixation de l’125I sur un réactif chimique qui sera ensuite greffé sur le peptide ou la protéine à radiomarquer..
Dans les deux cas, l’iode, qui se présente sous forme réduite (NaI) vient réagir avec le groupement phénol d’une tyrosine ou avec la chaîne latérale d’un résidu histidine. Ces groupements sont préalablement oxydés à l’aide d’un agent oxydant.

Les différents agents oxydants utilisés :
  • La chloramine T : oxydant fort.
  • L’iodogène : oxydant doux.
  • La lactopéroxydase : enzyme qui permet une oxydation ménagée des Tyr.

A.1.1 - Iodation directe du peptide :
Il faut que le peptide ou la protéine posséde au moins une tyrosine (ou bien une histidine).

NB : On ne décrira ici que le cas le plus fréquent, c'est à dire la iodation d'une chaîne latérale de tyrosine.

Iodation sur les résidus de tyrosine :
La fixation de l’125I se fait en ortho- du groupement phénolique :



On obtiendra des produits monomarqués (si le peptide possède plusieurs résidus de tyrosine, on parlera d'isomères de position) ainsi que des produits polymarqués.
Ces derniers peuvent résulter :
  • de l'incorporation de deux atomes d’iode en ortho- de l’hydroxyle, sur le même groupement phénolique (une telle modification est instable : il se produira un phénomène de radiolyse)
  • de la substitution sur plusieurs tyrosines du même peptide

Il faudra à la suite de la réaction de iodation, réaliser une purification chromatographique (le plus souvent par des techniques HPLC) des différents produits de la réaction afin de purifier le dérivé monoiodé possédant les propriétés pharmacologiques désirées.

Exemple : Iodation du peptide neurotensine (NT) : Techniques 1 et 2


A.1.2 - Marquage par addition d’un groupement réactif préalablement iodé :
L'exemple développé ici concernera un seul réactif, très employé : le réactif de Bolton et Hunter (BH).

Marquage par le réactif de Bolton et Hunter :

Utilisé lorsque l’incorporation directe de l’iode n’est pas possible :
  • si le peptide ne contient ni tyrosine, ni histidine
  • si l’intégrité du résidu de tyrosine ou d’histidine est cruciale pour l’activité biologique du peptide
  • si le peptide contient dans sa séquence des acides aminés qui sont altérés lors de l’oxydation (c’est le cas de la méthionine qui, sous un état oxydé, peut entraîner une diminution de l’activité biologique du peptide).


Réactif de Bolton-Hunter :


Le réactif de Bolton et Hunter (BH) est un succinimidyl ester de l'acide propionique (N-succinimidyl 3-(4-hydroxyphényl) propionate).

Marquage par le réactif de Bolton et Hunter iodé :
Ce réactif permet l'acylation des fonctions amines primaires (-NH2) du peptide avec l’ester N-hydroxysuccinimidique de l’acide 3-(4-hydroxyphényl) propionique, marqué par l’iode 125. Dans un peptide, deux sortes de groupements peuvent donc réagir :
  • groupement aminé terminal des peptides (position a)
  • groupement aminé primaire de la lysine (position e)
NB : La réactivité de la fonction e-aminée est très supérieure à celle de la fonction a-aminée.

L’incorporation aura donc lieu préférentiellement :
  • sur les résidus de Lys
  • ou bien très faiblement sur la fonction alpha-aminée (en absence de résidu de Lys).

Afin de favoriser l’obtention de dérivés marqués en alpha ou bien en epsilon, il est possible de jouer sur le pH réactionnel en milieu aqueux :

  • à pH 7 : on favorise l’obtention de dérivés marqués en a au niveau de l'extrémité -NH2 terminale
  • à pH 8,5 : on favorise l’obtention de dérivés marqués en e sur les résidus de Lysine (K)

Cette technique permet de préserver les propriétés fonctionnelles des peptides dans lesquels l’une des deux fonctions amines est essentielle pour l’expression de l’activité biologique.

Exemple : Iodation du peptide neurotensine avec le réactif de Bolton-Hunter iodé : Technique 3


A.1.3 - Inconvénients du marquage à l’iode :
  • Le marquage ne peut être effectué que sur certains acides aminés (tyrosines, histidines, lysines ou le groupement NH2-terminal).
  • Lorsque le marquage a lieu près du site actif du ligand, l’atome d’iode étant volumineux, il peut affecter l’affinité du ligand pour son récepteur.
  • Du fait de la demi-vie courte de l’iode, il est préférable d’utiliser le ligand marqué dans les 60 jours qui suivent sa synthèse.
  • Le prix des molécules commerciales iodées est très élevé, et réaliser soi-même les marquages nécessite un aménagement spécial des locaux.


Ces inconvénients font que le marquage des ligands au tritium est parfois une alternative à envisager.


A.2 - Le marquage radioactif au tritium :

Avantages des ligands tritiés :
  • Une fois marqués et purifiés, ils sont utilisables pendant des années (demie-vie = 12,3 ans). Il faut néanmoins les maintenir dans un solvant organique pour éviter les échanges isotopiques du tritium avec les protons de l’eau.
  • Le faible encombrement stérique apporté par le groupement tritié permet, dans certains cas, de réaliser des ligands ayant une meilleure affinité que leurs homologues iodés.
  • Certains peptides, de par leur séquence, ne sont pas radio-marquables à l’iode car ils ne possèdent pas de tyrosine (ou d’histidine) et leur extrémité N-terminale est indispensable à la liaison du ligand sur son récepteur.

Les peptides sont facilement marqués avec du 3H, par deux grands types de méthodes :
  • Une simple substitution : le ligand est soumis à un échange isotopique (seuls quelques laboratoires en France, sont équipés pour réaliser cela).
  • La fixation d’un radical organique de faible taille

A.2.1 - Fixation d’un radical organique de faible taille :
Cela permet le marquage des groupements aminés primaires, soit en position a, soit en position e (chaînes latérales des Lysines).
Le réactif le plus utilisé est le N-succinimidyl [2,3 3H] propionate.


B - Le marquage fluorescent :

B.1 - Introduction sur le marquage fluorescent

· Les groupements fluorescents sont aussi appelés fluorophores.
· La fluorescence est une voie alternative qui offre de nombreux avantages dont surtout l’absence d’exposition à des rayonnements pour les manipulateurs.
· La microscopie confocale (coupes optiques de cellules) permet de visualiser les peptides fluorescents liés sur des cellules

Site de fixation du fluorophore sur le peptide :
On peut séparer les fluorophores en deux groupes, en fonction de leur groupement réactif :
  • Les groupements réactifs sur les amines (peptides, protéines, oligonucléotides)
  • [ Les groupements réactifs sur les thiols (protéines) ]
NB : On ne parlera ici que des groupements réactifs sur les amines.

Le complexe peptide-fluorophore doit demeurer hydrophile, ce qui est particulièrement important pour déterminer la localisation des récepteur cellulaires de surface.
La taille et la nature du fluorophore vont influer directement sur l’encombrement stérique et l’hydrophobicité de la molécule (modification de l’affinité pour le récepteur)

De nombreux fluorophores sont disponibles commercialement :

  • La Fluorescéïne
  • Le Vert Oregon
  • La Rhodamine
  • Le Rouge Texas
  • Le Bodipy
  • La Cyanine et ses dérivés (Cy 3.5)


Toutes ces molécules et leur dérivés vont modifier les fonctions amines des peptides ou des protéines.

Exemple 1 : La fluorescéïne et ses dérivés :
La fluorescéïne permet d'obtenir un marquage fluorescent vert.

Avantages de ce fluorophore :
  • Il présente une absorbance relativement élevée
  • Le rendement quantique de fluorescence est excellent
  • Sa solubilité est bonne dans l’eau
  • La longueur d'onde d’absorption (494 nm) en fait un fluorophore de choix pour la microscopie confocale et la cytométrie de flux
  • Il est peu sujet à la précipitation.


Inconvénients de ce fluorophore :
  • Fluorescence sensible au pH entre 5 et 8
  • Quenching (extinction de la fluorescence) important lors de conjugaison avec des biopolymères.
Parmi les dérivés de la fluorescéïne, les isothiocyanates de fluorescéïne (FITC) sont les plus répandus.


Exemple 2 : Les composés de type Bodipy :
Bodipy rouge : le Bodipy 576/589 (Molecular Probes)
Bodipy vert : le Bodipy 503/512 (Molecular Probes)

Exemple 3 : Le Cy 3.5 :
Le Cy 3.5 est un dérivé de la cyanine qui réagit comme les dérivés Bodipy et peut être utilisé à la place du Bodipy Rouge 576/589.


B.2 - Utilisation des peptides fluorescents :

B.2.1 - En remplacement du ligand radioactif dans les expériences de liaison :

Dans ce cas, il y a deux techniques pour mesurer l'association du ligand fluorescent avec son récepteur :
  • mesure de la fluorescence émise, par un fluorimètre.
  • mesure de la fluorescence émise, par polarisation de la fluorescence : le ligand lié étant moins mobile que le ligand libre, la polarisation permet de lire les résultats sans avoir à séparer le lié du libre.
Pour une étude cinétique de la liaison : le suivi de la cinétique sera effectué en temps réel, en lecture continue.

B.2.2 - Dans des études de cytométrie de flux :
La cytométrie de flux permet le tri des populations de cellules en suspension qui ont été marquées à l'aide d'un ligand ou d'un anticorps fluorescent.

B.2.3 - En microscopie en fluorescence :
Les peptides fluorescents permettent l’acquisition d’images plus rapidement et avec une plus grande résolution que les peptides radiomarqués (autoradiographie in vitro). La
microscopie confocale permet une très bonne résolution des images acquises (et ce sur cellules en culture, coupes fines d’organes, etc).

Cette technique de microscopie est ainsi utilisées pour l'étude de la liaison de ligands fluorescents à leurs récepteurs et de l’internalisation du complexe ligand-récepteur, ce qui permet l’identification des compartiments intracellulaires impliqué,s dans l’internalisation.

B.2.4 - En hybridation in situ fluorescente :
Des sondes oligonucléotidiques ayant incorporé des nucléotides fluorescents sont utilisées.




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